Ne jamais jouir des bénédictions jusqu’au bout
 
Rinpoche fit un discours en premier en janvier 1992
Le membre confirmé en France Cheng le réitéra au nom de Rinpoche le 28 octobre 2001 (environ neuf ans après)
Mis en ligne sur le site le 15 septembre 2014 (puis environ treize ans après de nouveau)
 
Introduction
Que signifie « Ne jamais jouir des bénédictions jusqu’au bout et ne jamais dire jusqu’aux derniers mots » ?
Car dès lors que tout est dans l'état du "non jusqu’au bout", cela deviendra "sans fin" et ce sera considéré comme la situation la plus bénie. Si les bénédictions sont jouies jusqu’au bout, elles seront suivies par un déclin. Ainsi, l’on doit apprécier les bénédictions, nourrir les bénédictions ainsi qu’"accumuler" des bénédictions. Plus important encore, il faut "cultiver" le champ des bénédictions.
Prenons pour exemple des fleurs fraîches. Les fleurs en offrande sur l’autel du sanctuaire sont-elles colorées et belles ? Les fleurs en pleine floraison sont bien sûr splendides. Elles fleurissent magnifiquement pour le moment (comme elles ont fleuri complètement), mais elles vont bientôt se faner, ce qui sera suivi par le dépérissement et la chute progressifs des pétales de fleurs les unes après les autres. Par conséquent, lorsque les fleurs sont dans les bourgeons ou viennent de s’épanouir, elles sont non seulement les plus jolies, mais aussi plus durables. Ainsi, un ancien grand savant avait dit : « Les fleurs qui ne sont pas entièrement fleuries et la lune qui n’est pas encore pleine (les deux circonstances nous rendent impatients d’attendre quelque chose de bien qui va se passer dans un avenir proche). » Lorsque les fleurs sont entièrement écloses, cela implique qu'elles sont sur le point de se faner. Lorsque c’est la pleine lune, la lune est la plus ronde, mais elle décroît en un clin d'œil.
   
Contenu
Il en va de même pour les pratiquants dans leur pratique spirituelle. Quand on pense que l'on ne pratique pas très bien, c’est en fait la meilleure et la plus belle situation puisque l’on n'a pas encore atteint le summum de la perfection. S’il y a une fin, son sort sera aussi terminé, ce qui mènera alors au Nirvana (c’est-à-dire à une extinction absolue). Ainsi, il ne faut pas être satisfait de soi-même, mais étudier et consulter fréquemment les autres.
Un papayer se développe abondamment, mais il ne fleurit, ni fructifie, y a-t-il une solution ? Quelqu'un m'a dit une astuce, c’est de clouer deux clous de fer sur le sommet du papayer et il est garanti que l'arbre va fleurir et porter des fruits immédiatement. Cette méthode simple est vraiment si magique.
Si l’on utilise l'approche scientifique pour comprendre, comme les faisceaux vasculaires du papayer sont endommagés, les nutriments ne peuvent plus être transportés à leurs racines afin que le papayer ait suffisamment de nutriments pour fleurir et fructifier. Cependant, en jugeant ceci d'un autre point de vue, quand un organisme vivant est attaqué par des objets étrangers, il se rend compte qu'il est en danger et que sa vie est menacée. En conséquence, il accélère son concept de reproduction et ne peut plus attendre pour fleurir et porter des fruits. La pratique spirituelle est semblable, quand on est dans des circonstances défavorables, rencontre des dangers et des désastres ou lorsque l’on est même persécuté par une étoile maléfique (qui se réfère généralement à une personne apportant des malheurs), tout cela n’est pas nécessairement mauvais pour la pratique spirituelle. Comme l’on subit des stimulations externes telles qu'expérimenter l’impermanence personnellement, on se rendra compte de la frayeur et de la tristesse des disputes et des commérages (entre le vrai et le faux) dans le monde. Notre détermination pour le renoncement des Trois Mondes est donc motivée et inspirée. Cela nous introduit alors dans une pratique spirituelle plus profonde pour atteindre la délivrance.
Afin d’être transportées vers une distance lointaine pour la pollinisation, les graines de coton ont des fibres longues. Cependant, les fibres cotonneuses sont si légères que les graines flottent dans les airs pour toujours. En fait, il en va de même pour la vanité de l’être humain. Comme l’on poursuit la vanité, son intention de tisser des liens de haut lieu lui fait ressembler aux légères graines de coton qui tourbillonnent involontairement sous le vent karmique dans le monde séculier. Lorsque l'on croit que l'on va atteindre son objectif prévu (désir), un changement soudain inattendu apparaît en un éclair, ce qui fait que tout est déclaré détruit ou échoué. Tout comme les graines de coton qui sont soufflées vers d'autres endroits, il est extrêmement difficile de parvenir à une situation dont on est satisfait. (Les désirs ne cessent jamais, ils sont même considérés comme vastes et sans limites. De même, l’avidité, la colère, la confusion, l'ignorance et l’orgueil de l'homme sont sans fin).
Certaines personnes ne se sont pas résignées à leur pauvreté, leurs apparences désagréables, leurs talents enterrés et non appréciés, leur échec en amour, leur échec dans tout et leur solitude, etc. L’insatisfaction peut induire à développer l’intention de tisser des liens de haut lieu, comme les fibres légères des graines de coton, ce qui conduit ces personnes à errer sous le vent karmique et la vague d’obstacle dans le tourbillon de la vie. Au moment où l'on ressent la solitude et la douleur avec ce sens de la dérive, on va naturellement espérer prendre racine. Néanmoins, la vanité ressemble à la graine de coton qui est entourée par des fibres légères, celle-ci doit finalement continuer à vagabonder involontairement dans les airs. Parfois, elle flotte jusqu’à un bon endroit, mais elle est incapable de prendre racine.
Qu’est-ce la vanité ? C’est un honneur illusoire qui ne peut être saisi. Selon le Sutra du Diamant (Sutra du Vajra Prajna Paramita), « Tous les phénomènes conditionnés sont comme un rêve, une illusion, une bulle et une ombre... » La vanité est aussi quelque chose d'irréel et d’imaginaire.
   
Conclusion
Sans le désir ambitieux de répandre des pollens à un endroit extrêmement lointain, les graines de coton ne seront pas entourées par une merveilleuse création qui excelle la nature – les fibres cotonneuses flottantes, et la plupart d’entre elles n’erreront pas non plus dans les airs pour toujours, avec une chance minime de prendre racine. Même si certaines peuvent atterrir avec succès, il est encore incertain que le sol y soit fertile ou non afin qu'elles puissent absorber de bons nutriments pour croître durablement.
Les pratiquants peuvent parfois avoir la mentalité de "visiter différents lieux de culte" en allant dans cette école pour consulter pendant un certain temps, puis en passant à une autre école pour apprendre pendant une certaine période… Consulter et apprendre dans différentes écoles est certes quelque chose de bien à faire. Cependant, si cela est fait sous l'impulsion de la vanité de tisser des liens de haut lieu, comme par exemple, aller à cette école pour jeter un oeil lorsque l’on a entendu dire que c’est une bonne école ; quand il y a du "jetso (bénéfice)" dans une autre école, on y va pour obtenir des avantages. Pris par tout cela jusqu'à en être épuisé, on se rend compte alors que l'on a déjà manqué une superbe opportunité. La chance d'étudier auprès d’un Guru éveillé ainsi que le temps et l’opportunité d'apprendre les principes bouddhistes et le Dharma tantrique sont tous perdus. C’est précisément indiqué dans le dicton : « En baignant dans le bonheur, on ne parvient pas souvent à apprécier la vie heureuse dont on jouit (cela signifie la même chose que "prenez pour acquis") ». C’est seulement lorsque l’opportunité est manquée que vous comprendrez la logique derrière : « Les personnes qui souffrent de douleurs connaissent la souffrance ».
Ne pas se comporter comme les graines de coton ouaté qui flottent constamment partout, entraînant l'incapacité de pratiquer véritablement d'une manière sérieuse. Il faudrait chercher un Guru que l’on peut suivre pour apprendre le Bouddhisme auprès de lui. De plus, on devrait avoir une loyauté inébranlable envers son Guru dont on choisit de dépendre et auquel on décide de s’attacher.
Rinpoche fait rarement des prières de bénédictions spéciales pour tel ou tel individu (Au tout début, Rinpoche aurait peut-être fait des prières de bénédictions pour ses disciples en espérant qu'une fois les difficultés dans leur vie quotidienne résolues, il/elle pourrait progressivement être guidé/e pour apprendre le Bouddhisme), il espère seulement que le karma de cette personne peut être éliminé. Par conséquent, la Cérémonie de bénédictions est seulement faite comme une occasion de recevoir et de guider les pratiquants indirectement ; au travers de cette cérémonie, on espère qu’ils iront apprendre profondément le Bouddhisme, que leur karma négatif sera éliminé le plus tôt possible, et qu’ils pourront alors pratiquer aisément selon les doctrines bouddhistes dans des circonstances favorables.
Ne jamais jouir des bénédictions jusqu’au bout. Même si vous êtes assez chanceux pour avoir les bénédictions et la protection de l'étoile bénéfique dans cette vie présente de telle sorte que vous possédez de célèbres voitures, vivez dans une luxueuse maison et profitez d’une vie sublime, tout cela correspond à des récompenses bénies "limitées" du monde matériel. Dans le cas où les bénédictions sont gaspillées sans scrupules et l'argent est dépensé comme de la boue (avec extravagance), les récompenses bénies seront rapidement épuisées ; quand on jouit de ses bénédictions jusqu’au bout, on sera certainement sur le déclin. Au contraire, même si vous êtes pauvre et faites face à une situation difficile dans cette vie, vous n’avez pas de jouissances matérielles, ni de célèbre voiture, ni de luxueuse maison, cela n’a pas d’importance. Bien que menant une vie simple et frugale, il y a la Joie du Dharma tout au fond de votre coeur. En effet, vous avez déjà détenu un trésor inestimable dans votre esprit – le "Dharma de Bouddha".
Les pratiquants ne devraient pas pratiquer spirituellement dans le but de jouir des bénédictions de manière attachée. Ne jamais jouir des bénédictions jusqu’au bout, lorsque les bénédictions seront entièrement jouies, on n’aura plus de bénédictions. Il faut savoir que dès lors qu’une chose est exercée dans toute son étendue, "le destin" prendra fin sans aucun doute à l'avance (c’est-à-dire, si vous jouissez pleinement de toutes les récompenses bénies que vous obtenez, les récompenses bénies seront épuisées plus tôt). Il faudrait toujours garder à l'esprit que l'on doit cultiver des bénédictions ainsi qu’accumuler de la vertu afin que tous deux puissent servir de sambhara (mérites : la performance de bons actes qui donnent lieu aux mérites) pour la pratique spirituelle au moment de sa vieillesse ou dans sa vie future !