Faut-il cultiver d’abord le corps ou l’esprit ?
 

Rinpoche fit un discours en premier le 10 avril 1993
Le membre confirmé en France Yee le réitéra au nom de Rinpoche le 9 mars 2003 (environ dix ans après)
Mis en ligne sur le site le 28 août 2014 (puis environ onze ans après de nouveau)

Introduction
Il existe différentes écoles bouddhistes, à savoir l’école Zen, l’école Tiantai, l’école de la Terre Pure et le Bouddhisme tantrique (Vajrayana), etc. Parmi ces écoles, le Bouddhisme tantrique préconise de commencer à cultiver à partir de la vie (quotidienne), cela signifie que l'on devrait pratiquer le Bouddhisme tantrique sans se séparer de la vie quotidienne. Appliquer systématiquement le Dharma bouddhique que l'on a appris ou connu dans la vie quotidienne et aussi traiter les choses mondaines de manière intégrée et harmonieuse (c'est ce que je dis toujours « le Dharma bouddhique n'est pas séparé de la méthode mondaine »). Le pratiquant peut par la suite, suivant le cours de la nature, aller au-delà du niveau mondain. C'est le principe fondamental de l’apprentissage du Bouddhisme tantrique.

 
Contenu
1. Quand on dit commencer à cultiver à partir de la vie quotidienne, cela signifie que l’on cultive d'abord le corps puis ensuite l'esprit. Ce n'est que lorsque le Prana (remarque : c’est un mot en sanskrit qui signifie force vitale, l'énergie existentielle sans laquelle la vie périt ; les Chinois l'appellent le "chi"), les Nadis (remarque : les organes tubulaires du corps subtil, ils transportent les énergies de la force vitale connue comme le prana en sanskrit ; dans le corps physique, les nadis sont des canaux contenant de l'air, de l'eau, des nutriments, du sang et d'autres liquides corporels autour et sont semblables aux artères, veines, capillaires, bronchioles, nerfs, canaux lymphatiques, etc.) et le Bindu (remarque : c’est un mot en sanskrit qui signifie points ou gouttes, le point auquel beaucoup deviennent un ; il représente l'unité) du corps physique sont bien pratiqués que l'esprit d’illusion, qui est incontrôlable comme un cheval sauvage sans brides ou un singe sautant, peut être soumis.
   
2. Si "l'esprit" n'est pas concentré, il sera difficile de pratiquer le Prana, les Nadis et le Bindu. Ainsi, le sujet est si difficile qu'il est tout à fait contradictoire ! Faut-il cultiver d’abord le corps ou l’esprit ? Cette question peut être comparée à des interrogations comme : « Qu'est-ce qui est apparu en premier : l'œuf ou la poule ? » et « Faut-il réparer d’abord une voiture pour qu’elle démarre ou enseigner un conducteur en premier pour qu’il sache conduire une voiture ? »
   
3. Ainsi, les Patriarches tantriques ont établi et compilé un procédé de pratiques par étapes ordonnées à partir de leurs propres expériences et réalisations personnelles (ou alors en pratiquant tous les procédés simultanément) :
  a) Un "Yidam" est d'abord attribué à un pratiquant pour servir de circonstance correspondante de sa contemplation afin qu'il/elle puisse apprendre à concentrer son esprit.
  b) Dans le processus de pratique des Prana et Nadis, un esprit hautement concentré est nécessaire. Une base solide de cette capacité a déjà été pratiquée dans la précédente étape de la contemplation du Yidam.
  c) Lorsque la pratique des Prana et Nadis montre de petites réalisations dans lesquelles une réussite initiale est atteinte, on peut alors pratiquer en rejoignant les "Prana et Nadis" avec le "Bindu" ensemble. C'est la phase d'apprentissage de l'application des Prana et Nadis.
  d) Finalement, on se spécialise dans la pratique du "Bindu". C'est la pratique du Dharma de "Dzogchen (la Gande Perfection)" et de "Mahamudra (le Grand Mudra)". La pratique se fait séquentiellement étape par étape.
 
4. Quand il y a une réalisation considérable dans la pratique des Prana, Nadis et Bindu, il est temps de changer et de se concentrer sur la pratique de "l'esprit". De cette façon, la pratique peut être facilement comme : « Quand l'eau s'écoule, un canal est formé (remarque : cela signifie que quelque chose se réalise sans aucun effort) ».
   
5. En fait, lorsque la pratique des Prana et Nadis atteindra un certain niveau, la mentalité sera ainsi impactée. A ce stade, l'esprit et l'âme commenceront à être purifiés afin que l'on ne soit pas facilement "contaminé" par des phénomènes illusoires.

Conclusion
Si la pratique des Prana, Nadis et "Bindu" est atteinte, on peut dire que le pratiquant renaît comme s’il s’est débarassé de son ancien moi. On devient différent des gens mondains psychologiquement et physiologiquement, même si l'on obtempère encore à la vie avec le monde mortel. En fait, son niveau a déjà dépassé les personnes mondaines.

Si l'on ne cultive pas l'esprit, mais se concentre uniquement sur la pratique du Dharma, on peut certainement gagner les vertus bénies de la "pratique du Dharma" comme : "la gloire, la splendeur, la fortune et le rang", "l’épouse, la richesse, le fils et la rémunération d’une fonction publique", "la longévité avec tous les désirs accomplis", etc, et d'autres types similaires d’avantages à faible niveau. Comme l'esprit du pratiquant n'a pas encore été transformé, naturellement, on manque du pouvoir méritoire d'avoir un cœur pur. En ce cas, le taux de progrès dans la pratique est entravé. Par conséquent, il faut s’échapper des contraintes du "Dharma" en libérant l'attachement au Dharma avant que l'on puisse connaître et comprendre l'ontologie de l'Univers. Certes, en revenant à notre sujet principal, si l'on ne pratique pas le Dharma, il est inutile de parler d'une manière aussi splendide que l'on va cultiver son esprit. C'est parce que si aucune pratique du Dharma n'est effectuée, il n'y aura pas de rituel et c'est exactement la situation selon laquelle "rien ne peut être accompli sans normes ou standards" (remarque : les règles et les règlements doivent être respectés dans la gestion des affaires). Lorsque les esprits illusoires des êtres, qui sont déjà comme des chevaux sauvages et des singes, perdent les rênes, les esprits agités et capricieux ne peuvent donc pas être soumis. Cela se termine par l’acquisition de la sagesse folle au lieu de la "sagesse" Panna (en Pali) (remarque : une sagacité de la vraie nature de la réalité) qui est hautement louée par les bouddhistes !

Prenons une personne qui apprend les arts martiaux comme exemple. Si une telle personne ne se concentre que sur la pratique des mouvements physiques ainsi que sur l'entraînement du maniement de l'épée sans avoir une compréhension adéquate de la maîtrise de l'humanité, de la justice, de la bienséance et de la sagesse (les Quatre Vertus cardinales), cette personne est non seulement une tragédie pour elle-même, mais cela devient aussi une autre tragédie pour les autres. En l'absence de l'esprit des Quatre Vertus cardinales pour gérer les affaires, l'apprenti des arts martiaux pense pouvoir résoudre tous les problèmes avec son vaillant Kung Fu et sa bravoure. Tout comme le phénomène courant dans la société à l'heure actuelle, lorsque deux parties ont un différend, cela se transforme "en dispute au début puis en utilisation de la force". En principe, la personne avec la base des arts martiaux, bien que sans armes pointues en main, pourrait blesser lourdement l’autre personne ou même la tuer. Mais, elle serait alors elle-même confrontée à des accusations juridiques. Posséder l'esprit des Quatre Vertus cardinales, c’est comme avoir un "protecteur" de son côté. Le protecteur vous aidera avec toute sa force à surmonter la haine, la témérité, l'impétuosité et vous sauvera en évitant de tomber dans tous types de gouffres désastreux inextricables. De même, lorsqu'un pratiquant met toute son énergie dans toute sa vie en pratiquant simplement le Dharma et en récitant les mantras de manière persistante sans comprendre l’importance et la nécessité de cultiver son esprit, il évoluera également vers un type de tragédie. A la fin de la vie, toutes sortes d'illusions créées par l'esprit pollué surgiront successivement pour provoquer la conscience d’avidité et de haine du pratiquant. Cela fera tomber le pratiquant soudainement dans les Trois Mondes inférieurs (remarque : les enfers, les fantômes affamés et les animaux) en un instant. Ou bien, après la fin de sa vie, le pratiquant aura découvert que tout ce qu’il aura accumulé dans sa pratique durant toute sa vie sera seulement les mérites bénis et vertueux pour la transmigration dans le monde, mais pas le pouvoir de mérites et les vertus bénies qu’il aura attendu pour « atteindre la réalisation du Yidam, transcender les trois mondes, se détacher de la vie et de la mort, se libérer du cycle de renaissance (réincarnation) pour toujours ». C'est triste d’être comme cela !

En outre, il existe une grande différence de niveau entre les êtres qui flottent et sombrent dans la roue des réincarnations des six mondes et les pratiquants qui ont obtenu des récompenses dans les divers états de réalisation. Ils sont complètement décidés par le samklesa-vyavadana (remarque : propreté ou contamination) de "son esprit". Comme dit Guru Padmasambhava : « Si l'on peut progresser vers les Trois Mondes supérieurs (à savoir les dévas, les humains et les asuras), se séparer de la roue des réincarnations ou atteindre la Bouddhéité, tout cela dépend de "l’éveil" et non pas de la "confusion" de l'esprit. » Il est donc évident que la cultivation de l'esprit est la solution fondamentale de tous. Après tout, comment peut-on mépriser ou négliger la nécessité de la cultivation de l'esprit !